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Le pont est surchargé de réfugiés
Le pont est surchargé de réfugiés qui s’entassent également dans les coursives jusqu’à
l’arrière. Les marins ont casé les leurs dans les postes de l’équipage, soit sous le
gaillard-avant ou celui du personnel de la machine.
Ma mère et ses quatre enfants ont trouvé place dans la passerelle, sur les callebotis
de la salle des cartes qui est la chambre de mon père.
Le cap est mis sur Dieppe que nous abordons vers 23 heures. Il fait noir, nous naviguons
sans feux pour ne pas être aperçus par les avions ennemis.
Nous apercevons et entendons les tirs de la DCA et les lueurs de nombreux incendies,
la ville et le port sont bombardés.
Mon père fait stopper les machines. Heureusement car un petit bateau dont la coque est
en bois de la Marine Nationale arrive sur nous. Les membres de son équipage portant les
ceintures de sauvetage de l’époque en liège nous signalent que nous sommes au milieu de
mines magnétiques.
A bord c’est l’affolement, la panique parmi les réfugiés et il faut toute l’autorité
de mon père pour rétablir le calme.
Le commandant du bateau nous apprend qu’il n’est pas possible de rentrer, que les
Allemands arrivent sur Dieppe, qu’il faut le suivre, qu’il va nous guider pour sortir
de la zone minée et nous demande de se diriger vers un autre port.
Mon père approuve mais très vite nous perdons contact avec notre pilote sauveteur.
C’est à nouveau la terreur parmi les réfugiés. Alors « A DIEU VA », cap est mis sur le
large, très lentement alors que deux matelots du bord sur l’avant du gaillard scrutent
la mer dans l’espoir d’apercevoir et d’éviter quelque chose de suspect.
C’est l’angoisse, les voix se sont tues, un silence de mort plane sur ce bateau qui
avance doucement dans l’obscurité, sur cette mer heureusement calme de ce mois de Mai
qui est habituellement si prometteur de bonheur.
Mais c’est la guerre.
Nous allons ainsi pendant quelques milles nautiques et c’est un grand soulagement
quand nous entendons le bruit des moteurs qui accélèrent. Nous comprenons que nous
sommes sortis de la zone dangereuse.
Dans la passerelle, mon père à la lumière de son briquet trace à nouveau sa route.
Cap sur le Havre que nous apercevons dans les premières heures du mercredi 22 Mai.
Mais le port est consigné, la rade également minée, ce qui était à craindre compte-tenu
de la volonté des Allemands d’assurer le blocus de tous les ports. Il nous est donc
impossible d’y rentrer et faisons route sur OUISTREHAM où nous arrivons en
fin de matinée.
OUISTREHAM à l’embouchure de l’Orne en Normandie où quatre ans plus tard le Commando de
Marins Français, les bérets verts du Commandant KIEFFER débarquera et s’illustrera pour
libérer avec les troupes Alliées notre Pays.
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