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La vie à Boulogne sous l'occupation

Nous connaîtrons les sifflements des torpilles, les sirènes terrifiantes des Stukas, le fracas des explosions de bombes tombées à quelques mètres, la terre qui tremble, les oscillations de notre maison ou des abris, la poussière suffocante des immeubles détruits, les cris des blessés qui appellent au secours.

Durant ces quatre années, nous coucherons très souvent tout habillé, ce qui nous permettait de se précipiter rapidement vers les coins de murs, sous les tables ou dans le lit armoire de la cuisine, car nous n’avions pas de cave à la maison.

Mais nous serons aussi confrontés aux duretés de la vie quotidienne, aux privations dues aux pénuries alimentaires qui nous obligeront à mendier, « au prix fort », avec souvent en plus, la nécessité du troc des pommes de terre dans des fermes situées parfois à 10 kms des gares de Lottinghen et de Nielles-les-Bléquin.

Nous aurons faim au point de devoir « malgré nous » travailler dans les chantiers Allemands et aller, pendant la pose du midi au rabiot en faisant la queue à la porte du réfectoire des membres de l’Organisation Todt pour obtenir éventuellement les restes de leurs repas. Certains ayant la méchanceté de cracher dans leur gamelle avant de nous les donner.

Oui... NOUS... nous aurons eu faim au point de se retrouver avec des chapelets de glandes desséchées aux poumons, glandes de misère de la guerre (Dr MILOT de Wanquetin).

Nous aurons connu le naufrage de mon père au large de Boulogne à bord du « Jésus Maria » B1310 (jamais cité), mitraillé et coulé par un chasseur Allié le 19 Août 1942 (1) le jour du débarquement de Dieppe au cours duquel mon père a été sauvé après être resté plus d’une heure et demie dans l’eau et qui a fait deux tués disparus en mer. Un membre de l’équipage, Auguste CRETON et un marin Allemand qui se trouvait à bord.

Mais nous connaîtrons aussi les rafles par les soldats Allemands qui font les cinémas, les chantiers et la rue si le contingent fixé n’est pas atteint. (Guy Bataille 39/45 page 89).

Mon frère Eugène, requis du STO en Juin 1943 se retrouve en Allemagne à Klietz à 75 kms à l’ouest de Berlin. Il rentrera fin Décembre en permission exceptionnelle pour se marier le 12 Janvier 1944 et deviendra réfractaire. (2).

Moi-même, arrêté fin Août 1943 par la Felgendarmerie au dépôt de la « Petite Vitesse » à Boulogne et réquisitionné pour le chantier des Armes Secrètes de Wizernes. Je m’en évaderai au cours d’un bombardement début Septembre (3), trouverai un emploi au Soldatenheim, foyer du soldat Allemand, rue Porte Gayolle (4), m’engagerai fin Décembre à l’appel de la Maison du Prisonnier dans la Défense Passive et participerai à l’évacuation d’une partie de la population en Février 1944, convoi n° 9.

1) - Jour anniversaire de ma mère née le 19 Août 1900.
2) - A plusieurs reprises nous serons informés discrètement de la prochaine visite de la Police pour enquête.
3) - Je recevrai de la Felpost une sommation m’ordonnant d’y retourner sous peine d’emprisonnement.

 
 
 
 
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